MAYNARD Joyce – Les règles d’usage

Ecrit en 2003, dans une Amérique encore sous le choc des attentats du 11 septembre, ce livre n'est publié que 13 ans plus tard en France, presque en résonnance de notre triste actualité nationale. L'hommage qu'il rend aux victimes du terrorisme en est d'autant plus poignant.

Wendy a 13 ans, elle vit à New York entourée d'une famille épanouie comme on peut tous en rêver. Une mère aimante et protectrice, un beau-père musicien que l’on pourrait qualifier de papa-gâteau tant il bichonne ses enfants à coups de bons petits plats mitonnés, faisant preuve d’une patience et d’une tolérance sans limite. Vient ensuite Louie son demi-frère, petit être drôle et si attachant.

Mais pour Wendy, en pleine adolescence, ce bonheur simple ne suffit pas. Elle a soif d'évasion. Elle rêve de mieux connaître son vrai père en Californie et ne supporte plus d'entendre sa mère le dénigrer.

Seulement voilà, le 11 septembre, lorsque la mère de Wendy qui travaillait dans les tours jumelles disparaît, le père en question souhaite reprendre ses droits et obtenir sa garde. Il la réclame en Californie.

Voici notre héroïne en plein deuil entraînée dans une nouvelle vie. Un peu livrée à elle-même, elle découvre le monde sous un angle moins protecteur, dans lequel d'autres jeunes de son âge se débattent pour survivre. Loin d'être parfait, son père lui ouvre pourtant une voie qui la pousse à grandir un peu plus vite. A elle maintenant de choisir la vie qu'elle veut mener !

Le parcours et les rencontres de Wendy sont ponctués de réminiscences enfantines. Des discussions graves, des moments de grâce, des éclats de rire, tout autant de petits souvenirs qui donnent du piquant à la vie familiale. Ces évocations du passé confèrent au roman un ton émouvant et mélancolique, qui sonne juste. On peut regretter cependant qu’elle soient si nombreuses, comme si l’auteur avait eu à cœur de caser ces propres souvenirs !

C’est cet aspect que je retiendrai avant tout : Joyce Maynard développe à la perfection le parcours psychologique d’une adolescente qui tente de forger sa personnalité, de se construire et surtout de surmonter un deuil aussi poignant. S’inspirant de l’instinct de survie de grandes figures littéraires qui ont vécu l'insoutenable comme Anne Frank, elle étudie méticuleusement l'alternance d'émotions telles que la soif de liberté, la rébellion, l'angoisse côtoyant l'émotion, l'écoute et la maturité.

J'ai été surprise que le roman soit écrit sur le ton de la constatation, factuel, mais il sonne juste, de même que les dialogues sans ponctuation, qui se fondent dans le récit-souvenir.

Tel un récit initiatique, ce roman nous emporte, nous émeut. Conjointement, il apaise et nous emmène doucement vers la lumière et la vie.

Livre lu dans le cadre du grand Prix des Lectrices Elle (numéro de février 2017). Note : 15/20