de VIGAN Delphine - Les gratitudes

Résumé éditeur : « Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un mot. Je travaille avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences. 
Et la peur de mourir.  
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, ce qui encore aujourd’hui, après plus de dix ans de pratique, me coupe parfois littéralement le souffle, c'est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas. »

Michka est en train de perdre peu à peu l’usage de la parole. Autour d’elles, deux personnes se retrouvent : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé de la suivre.

Commentaire : Anciennement reporter puis de correctrice de magazine, Mischka vieillit et doit partir en maison de retraite. Les mots s'inversent dans sa tête, elle a peur et se sent perdue. Elle se tracasse de n'avoir pu retrouver les parents adoptifs qui l'ont hébergée pendant la guerre pour les remercier. Heureusement, elle est accompagnée de Marie, une jeune femme douce et attentionnée, qu'elle a aidé étant plus jeune, et de Jérôme, l'orthophoniste qui l'aide à retrouver ses mots. Tous deux se retrouveront d'ailleurs à la mort de Mischka. 

Dans ce roman, chacun a des mots doux et bienveillants. Je crois que la tendresse et la bienveillance illustrent le sentiment général que confère ce roman, très émouvant car les personnages sonnent justes. Les mots sont choisis, et beaux. D'ailleurs, lorsque Mischka confond les mots, on pourrait verser dans le pathos ou l'apitoiement, mais non, c'est drôle, et sans moquerie, l'auteur souligne juste l'incongruité des situations et rend l'héroïne très touchante.

J'ai vu Delphine de Vigan présenter ce livre, je l'ai trouvée très brillante et cultivée. Elle a choisi, dans ce livre d'explorer les différentes formes de gratitudes, comme le titre l'indique, mais aussi d'encourager à les exprimer au lieu de seulement les penser. Je la trouve bien dans les livres qui sont plus axés sur le psy. Même si tous les siens le sont un peu ! Mon préféré reste "Rien ne s'oppose à la nuit". Celui-ci est moins poussé, mais il est bien, à lire comme un petit conte.

« Vieillir, c'est apprendre à perdre. »
Perdre des gens qu'on aime, forcément, c'est mathématique.
Mais aussi ses facultés physiques et mentales : 
Perdre ce qui vous a été donné, ce que vous avez gagné, ce que vous avez mérité, ce pour quoi vous vous êtes battu, ce que vous pensiez tenir à jamais.
Se réajuster.
Se réorganiser.
Faire sans.
Passer outre.
N'avoir plus rien à perdre.